Mort de Navalny : ses derniers jours dans la prison glaciale du “Loup polaire”

Pouvait-il en advenir autrement ? Il avait résisté à son empoisonnement au Novitchok, aux condamnations répétées plus absurdes les unes que les autres, à des conditions de détention inhumaines dans les pires prisons russes, dernièrement dans un ancien goulag soviétique en Arctique. Mais Alexeï Navalny a bien fini par s’éteindre ce vendredi 16 février, à l’âge de 47 ans. Laissant derrière lui l’image d’un opposant trop influent pour Poutine, même au fin fond du pôle Nord, pour être laissé en vie.

Ce jeudi 15 février, Navalny était pourtant encore bien de ce monde, en chair et en os. Dans une vidéo relayée par le média indépendant russe Sota. vision, on pouvait y voir l’opposant russe auditionné par un juge local, faisant des blagues et ironisant sur sa situation. Amaigri, vieilli, mais en vie. Allant même jusqu’à décrocher un sourire aux agents du Kremlin. “Dans la dernière vidéo de sa vie, il plaisante. Et c’était là sa grande qualité. L’humour peut être plus fort que les proclamations les plus furieuses. L’humour de Navalny était même… déroutant. Une telle situation, et l’homme rit ! Chaque lettre, chaque message sur les réseaux ou chaque comparution devant un tribunal est truffé d’ironie et de blagues”, raconte ce vendredi Anton Orekh, un journaliste indépendant russe, dans le média d’opposition Novaya Gazeta – dont le rédacteur en chef Dmitri Mouratov avait obtenu le prix Nobel de la Paix en 2021.

Alexeï Navalny durant une audience par visioconférence avec Moscou, le 26 septembre 2023

Des “sanctions disciplinaires” à répétition

Ses conditions de détention s’étaient pourtant nettement durcies ces dernières semaines. Il y avait tout d’abord eu son transfert dans le “Loup polaire”, cette prison à haute sécurité située au-delà du cercle polaire arctique, à 1 900 kilomètres au nord de Moscou, et héritière des goulags staliniens. Et si ce n’était pas déjà suffisant, son déplacement depuis son précédent lieu de détention se fit sur une période de près de trois semaines, sans que sa famille ni ses avocats n’aient la moindre preuve de vie. Ce fut la dernière fois que le sort d’Alexeï Navalny fut réellement au cœur des inquiétudes de la communauté internationale, qui craignait alors le pire.

Être détenu à IK-3, du nom de cette colonie pénitentiaire située dans la ville de Kharp, dans la région de Yamal, est déjà suffisamment rude : températures descendant jusqu’à -30 degrés en hiver, violences fréquentes contre les prisonniers, conditions sanitaires pires que tout. Mais pour en rajouter une couche, le régime de Poutine ne lui laissa pas une minute pour respirer. Comme depuis le début de sa détention en 2022 ; Navalny fut condamné à répétition à des “sanctions disciplinaires” successives de deux semaines. “La colonie de Yamal a décidé de battre le record de Vladimir [NDLR, Poutine] en matière de complaisance aux autorités de Moscou. Elle vient de m’infliger 15 jours en cellule disciplinaire. Autrement dit, c’est la 4e cellule disciplinaire en moins de deux mois depuis que je suis sur place. Ils sont durs”, confiait encore ce mercredi l’opposant russe sur son compte Twitter.

Ces sanctions sont perpétuelles pour Navalny depuis le début de son emprisonnement : elles furent au nombre de 27, rapporte le dernier journal indépendant installé en Russie, le Novaya Gazeta. Et toujours plus grotesques : trois jours de détention pour avoir eu un bouton défait, cinq jours pour ne pas avoir immédiatement mis ses mains derrière son dos, quatorze jours pour un refus de laver la clôture de la prison, onze jours pour avoir “mal nettoyé la cour” et avoir traité un employé de “lieutenant”.

Mais la détérioration des conditions de détention était bien réelle, entre une alimentation encore plus restreinte, une cellule toujours plus exiguë et au confort presque inhumain, un sommeil rendu inexistant par des réveils permanents de la part des gardes. Sans oublier le froid glacial, évidemment, qui avait valu à Navalny de tomber régulièrement sérieusement malade, sans qu’un accès à un médecin ou à des médicaments ne lui soit rendu possible.

Engagé jusqu’au bout

Ce durcissement n’avait pas empêché Navalny de continuer à s’exprimer jusqu’au bout sur la situation politique russe, notamment sur son compte X (ex-Twitter), une de ses principales vitrines aux yeux de l’Occident. Ainsi, l’un de ses derniers messages fut un appel à des manifestations pendant l’élection présidentielle en Russie, du 15 au 17 mars prochain, expliquant que cela “pourrait être une démonstration puissante de l’état d’esprit du pays” et jugeant que les autorités ne pourraient pas s’opposer à cette manifestation “parfaitement légale et sûre”.

Ce vendredi à Munich, c’est son épouse Yulia Navalnaya, présente à ses côtés lors de tous ses combats, qui a pris la parole : “Vous avez probablement tous vu les terribles nouvelles d’aujourd’hui. Je me demandais si je devais venir ici ou voler directement vers mes enfants. Puis j’ai pensé à ce qu’Alexeï Navalny dirait, et je suis sûre qu’il serait ici, sur cette scène. Je ne sais même pas si je dois croire ou non ces terribles nouvelles que nous n’avons reçues que de sources gouvernementales. Vous savez tous que nous ne pouvons pas faire confiance au gouvernement de Poutine. Mais si c’est vrai, je veux que Poutine et tout son entourage, ses amis et son gouvernement sachent qu’ils devront rendre des comptes pour ce qu’ils ont fait à notre pays, à ma famille et à mon mari. Et ce jour viendra bientôt”.





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